La facture de la fracture
Mardi 26 octobre 2010Le compte n’est pas bon, mais l’ardoise est salée. Alors que la jeunesse est plus que jamais dans la rue, qu’une bonne majorité des citoyens refuse cette réforme, la trouvant injuste, la machine s’affole et passe en force. Nous ne sommes pas à l’ère de la négociation, c’est une chose en France que nous ignorons. Il semble que seule la grève dure puisse entamer un semblant d’échange entre le gouvernement et le peuple, et à ce jour, rien de déterminant. Contrairement à de nombreux pays européens qui négocient puis agissent, on voudrait nous faire croire qu’en France il vaut mieux agir au plus vite et négocier éventuellement après, foutaise! Facile ensuite de brandir la facture. François Baroin déclare : “ça commence à coûter cher, c’est une crise dont la France n’a pas les moyens de se payer le luxe”. Si la facture des grèves et des deux semaines de blocages s’élève d’après la ministre de l’Économie Christine Lagarde, à un montant “entre 200 et 400 millions d’euros par jour”, à qui la faute ? Est-ce là le coup de l’entêtement imbécile de français qui de toute manière paieront la note ? Non, c’est surtout et avant tout, la facture du désespoir de ne pas être compris ni entendu.



Luc Chatel vient d’annoncer que le Conseil des ministres a officiellement nommé Henri Proglio, actuel patron du numéro un mondial de l’eau Veolia Environnement, au poste de PDG d’EDF, en remplaçant de Pierre Gadonneix, sur une proposition du ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo. Ce cumul de fonctions inédit a suscité une levée de boucliers de l’opposition qui dénonce une “confusion d’intérêts et des genres douteuse”. Bayrou a estimé pour sa part qu’on ne “devait pas être à la tête d’une entreprise publique en ayant à l’esprit l’intérêt d’une entreprise privée”. Si dans un entretien accordé au quotidien les Echos, Henri Proglio n’a estimé “pas choquant en soi” de pouvoir conserver le niveau de revenus qu’il avait chez Veolia Environnement, la ministre de l’Economie Christine Lagarde avait assuré que M. Proglio ne cumulerait pas plusieurs rémunérations et percevrait uniquement celle de président d’EDF. Ce n’est pas gagné !
Didier Lombard perd son bras droit, Louis-Pierre Wenes, qui avait été recruté en 2002 et désignait pour mettre en place le plan “Next” au sein de l’entreprise en 2005. En fait, un fusible saute, mais le défaut de communication reste. Cheville dirigeante du plan de rénovation, Louis-Pierre Wenes est aussi un simple rouage d’un système initié au sommet. Le remplacer par Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, ne règle absolument pas le problème. C’est tout au plus une manière de créer un écran de fumée provisoire pour agir en sous-main et prévoir la suite des changements. Cette “nouvelle mode”, comme le dit si bien Didier Lombard, sorte de résistance par le suicide, n’était pas prévue dans les scenarii les plus fous de nos dirigeants. Le suicide est malheureusement une triste réalité dans bon nombre d’administrations qui vont connaître incessamment sous peu, une privatisation aussi sauvage que celle de France Télécom. Ce malaise social ne fait que commencer. La mondialisation et les guerres économiques qui en découlent tuent plus insidieusement mais tout aussi efficacement qu’une guerre traditionnelle.

